dimanche 4 septembre 2016

Nous avons un devoir d'Espérance

Il eut été plus exact d'intituler cet article : Quelques principes fondamentaux de formaction. Mais j'ai choisi de faire référence dès le titre à un principe essentiel à tout combat politique et culturel, probablement le plus important, rien de moins qu'une des trois vertus théologale : l'Espérance.

Les travaux que nous effectuerons tout au long de l'année vont nous faire prendre conscience de l'état d'urgence dans lequel nous vivons aujourd'hui. Ce qui allait de soi ne va plus de soi. Dans une conférence fondamentale pour notre réflexion, intitulée L'aubaine d'être né en ce temps, Fabrice Hadjadj écrit au sujet de cet état d'urgence : « L'indice de cette apocalypse est fourni par tous les combats « à front renversé » dans lesquels se trouve engagée l'Eglise ». Ces mêmes combats qui sont la raison d'être du Cercle Pierre Manent : « préserver l'humain », « défendre la nature », devenir « la garantie du temporel », être « la gardienne de la chair, du sexe, de la matière même ».

Mais, continue-t-il, « cette situation terrible où plus rien ne va de soi, est proprement formidable, parce qu'alors tout ne peut plus que repartir de Dieu ». C'est ainsi qu'il faut comprendre le titre de cette conférence : « La foi en Dieu implique la foi en l'aubaine d'être né dans un tel siècle et au milieu d'une telle perdition. Elle commande une espérance qui dépasse toute nostalgie et toute utopie. Nous sommes là, c'est donc que le Créateur nous veut là. Nous sommes en un temps de misère, c'est donc le temps béni pour la miséricorde. Il faut tenir notre poste et être certains que nous ne pouvions mieux tomber ». Cet « apostolat de l'apocalypse » donne une certaine saveur à notre formaction : Dieu a un projet pour chacun de nous. A nous de le découvrir, pour mieux le suivre.

Ni pessimisme, ni optimisme, mais espérance. Il ne s'agit pas de croire que demain sera meilleur, mais de voir le Bien et le Beau, dans le présent, hic et nunc – ici et maintenant. En tant que vertu théologale, l'Espérance n'est pas un sentiment humain. C'est la différence essentielle entre espoir et Espérance. La seconde est bien plus profonde et globale, mais aussi bien plus difficile à tenir dans la constance. Seule la foi en la vie éternelle vient en soutien de l'Espérance : le Christ a déjà gagné, Il a vaincu le Mal en donnant Sa vie pour nous sur la Croix. 
La Croix est bel et bien le symbole de notre triomphe. Car, oui - comme le dit l'abbé Grosjean dans Catholiques, engageons-nous, une autre de nos références - « la victoire est certaine ». Le sentiment de participer à cette victoire certaine et absolue doit nous donner une force providentielle. Car l'Espérance est un abandon complet en la Providence, une acceptation entière du projet que Dieu a pour nous. Mais pour discerner le projet de Dieu et s'y adonner corps et âme, de toute notre âme, de toutes nos forces, de toute notre vie, une chose demeure essentielle : la prière. En faire l'économie serait notre plus grosse erreur. Car sans prière, impossible d'entendre ce que Dieu veut nous dire - et impossible que notre action porte du fruit. Nous avons l'impératif de prier, de méditer de nous nourrir de la Parole, avant de produire nous-mêmes des paroles.Notre formation en vue d'une action tant politique que culturelle ne serait pas complète si nous ne nous épanouissons pas humainement en parallèle. Bien sûr que la vie intellectuelle sera très stimulante, qu'elle nous épanouira. Mais la raison sans la foi est morne, désespérée, inutile. "La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité." écrivait Jean-Paul II en introduction de Fides et ratio.

L'abbé Grosjean - à qui nous devons tant - rappelle aussi un principe important que nous faisons nôtre : la fécondité de notre action ne dépend pas de nous, mais de Dieu. L'Espérance, c'est aussi cela : accepter de contribuer très modestement et humblement au projet divin sans peut-être en voir les fruits directs. 
C'est ce qu'exprime si bien Tugdual Derville dans Le Temps de l'Homme avec sa belle métaphore du mycélium. Ce dernier est le « réseau de fines racines interconnectées qui constitue l'élément permanent » des champignons. Alors que ceux-ci « sont spectaculaires, mais éphémères et ponctuels ; leur mycélium est discret, mais durable et relié ».
Ce « véritable organisme vivant », cette « force de construction vitale », « source inépuisable, force indéracinable », c'est ce que nous devons accepter d'être. Espérance, humilité et confiance, tels sont nos maîtres-mots. Ainsi - et seulement ainsi -, nous serons exemplaires et porterons du fruit. 

Laissons le père Matthieu Rougé préciser l'enjeu de notre combat culturel et conclure par ces mots extraits de L'Eglise n'a pas dit son dernier mot : « Il ne s'agit de faire comme si la culture chrétienne était dominante. Elle est objectivement absente de l'horizon de la majorité de nos concitoyens. Elle est délibérément combattue par un certain nombre d'acteurs de la vie culturelle. Mais il est indéniable qu'elle demeure comme une nappe phréatique cachée par le désert dont, ici et là, telle ou telle oasis manifeste la présence persistante et potentiellement féconde. A charge pour les catholiques, trop souvent démoralisés par le désert apparent, de repérer et d'encourager les pousses prometteuses, de creuser les puits que beaucoup attendent pour se désaltérer, sans céder aux mirages des fausses oasis que font miroiter ceux que le désert fascine ou enferme. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire